Changement
de décor, nous retraversons le col du Pourtalet,
longeons le pic du Midi d'Ossau, puis, après une halte à Laruns, montons
par Gourette au col d'Aubisque, suivi col du Soulor, pour gagner la
vallée
de Cauterets où
viendront nous rejoindre les amis. Le programme des deux prochains
jours est "soft" :
lac de Gaube et Petit Vignemale, avec au milieu une étape au
refuge des Oulettes de Gaube pour y dormir ; mais
les bons marcheurs du groupe s'aperçoivent rapidement que les
distances sont beaucoup plus courtes que prévues.
Seront
ajoutées une ascension au col des Mulets la première
après-midi et, à la place du simple retour la deuxième
après-midi par
le lac de Gaube (que prend la famille Duez), une grande boucle par
le
col
des
Mulets,
le
col d'Arratille et la très
longue
(mais très belle) vallée du Marcadau jusqu'au pont d'Espagne.
Les
pins sylvestres et à crochets se disputent l'espace entre de gros amas
rocheux nervurés dont l'aspect et la couleur se confondent avec les
entrelacs de racines trop piétinées par les nombreux promeneurs de
la vallée de Gaube. Alternant avec des arbustes à baies rouges et feuilles
d'acacia, ils donnent un petit air méditerranéen à ce coin de Bigorre,
un peu comme à la Pierre Saint Martin, que dément cependant la vision
des glaciers du Vignemale qui domine l'horizon plein sud.
Pendant
le pique-nique, de jeunes garçons pêchent à la
mouche dans un bras calme attenant au torrent, la gaule souple
entraîne un long fil luisant qui gifle la surface de l'eau et
rejaillit dans un geste vif (comme dans le film "La vie est un
long fleuve tranquille"). Soudain, l'extrêmité s'est
alourdie : un petit poisson frétillant s'est
laissé
tromper,
trop affamé
pour
vérifier
s'il s'agissait bien d'un insecte qui se noyait. Le
garçon le détache et le rejette à l'eau. Peu après,
je m'approche pour voir : il s'agit
d'un banc d'une vingtaine de poissons de petite taille (10 à 15
cm), rendus nerveux par cette perturbation, et qui s'échappent à grande
vitesse à quelques mètres dès qu'ils voient ma
silhouette se pencher
à la surface, puis reprennent une position stationnaire en attente
d'une manne rare.
Nous
nous trouvons dans un site Natura 2000 riche de nombreuses espèces
endémiques, végétales
ou animales. Jean-Louis et moi en avons découvert la veille
quelques particularismes au musée du parc national
à Cauterets. Par exemple, des "forêts" d'arbres,
tel le saule herbacé,
de moins de 5 cm de haut et dont le tronc à 40 ans atteint 7
mm de diamètre, les seuls capables de survivre jusqu'à 2800
m d'altitude !
Autres adaptations : le stade "têtard" du
crapaud accoucheur qui ne dure en plaine que de 2 à 3 mois est
considérablement allongé (jusqu'à 20 ans !) en
raison du froid qui ralentit sa croissance, limaces, carabes et escargots
adoptent des couleurs sombres pour emmagasiner plus vite et davantage
de chaleur et se protéger des radiations ultraviolettes qui,
par ce grand beau temps bleu et la réverbération du soleil
sur les roches nous mettent au bord de l'insolation avec un fond persistant
de mal
de tête (causé aussi par l'altitude et la raréfaction
de l'oxygène,
particulièrement vers les 3000 m).
A
ce propos, le sang des animaux montagnards est plus riche que celui
des animaux de plaine
et leur coeur est généralement plus gros. Un homme de 70 kg a un
coeur de 280 g et 5 millions de globules rouges ; un isard de 40 kg
a un
coeur de 350 g et 12 millions de globules rouges. Aux grandes altitudes
balayées par les rafales de vent, voler devient un danger : pour
ne pas être emportés par les vents, de nombreuses espèces d'insectes
tels
criquets, sauterelles, voient leurs ailes disparaître ou se réduire
considérablement. Ce n'est pas le cas des insectes que nous observons
en descendant du col des Mulets voleter erratiquement par milliers
(millions) dans l'énorme volume d'air ascendant échauffé par le soleil
couchant entre les deux pans de montagne.
On
dirait un vol nuptial de fourmis volantes, hypothèse confirmée le lendemain
lorsque nous
trouverons sur les rares plaques de neige vers le Petit Vignemale quantités
de mâles morts (les femelles fécondées deviennent de nouvelles reines,
perdent leurs ailes,
créent une nouvelle colonie ou pénètrent dans
un nid existant pour commencer à pondre, soignées par les ouvrières,
tandis qu'elles se nourrissent jusqu'au printemps en vivant sur leurs
réserves, en particulier les muscles de leurs ailes disparues).
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Aragon : Facha Tormosa de Pineta |
|
Vallée de Cauterets : Lac de Gaube,
petit Vignemale et Vallée du Marcadau |
|
Cathy et Jean-Louis, puis
Richard, Serge, Jean-Louis B., Xavier, Max, Michèle et Julien |