Nous sommes arrivés très tard le premier jour au mobile home. La pleine lune se levait, rougie par les rayons du soleil déjà couché, et les étoiles scintillaient. Des grillons crissaient dans l'herbe, un oiseau de nuit poussait de temps en temps un cri bref, peut-être y avait-il aussi des crapauds qui chantaient. Au loin, les lumières de la Sardaigne brillaient, et le paysage obscur était balayé par intermittence par le pinceau du phare de Bonifacio. Tous les matins, je me levais la première et profitais de la fraîcheur fugace saluée par les oiseaux perchés dans le maquis alentour. De grosses fourmis disparaissaient entre les lattes de la table du jardin avant de s'aventurer de nouveau précautionneusement pour profiter des reliefs de mon petit déjeuner (et particulièrement les gouttes de gelée d'arbouses de Corse, parfaitement délicieuse).
Assez curieusement, quelques Européens du nord continuaient à pratiquer leur footing quotidien mais franchement, avec la chaleur qu'il faisait en cette mi-juillet dès 8 heures du matin, cela me semblait une aberration (pourtant j'avais moi-même amené mes affaires, remplie de bonnes résolutions avant mon départ). La seule activité possible était la baignade. Même les visites en voiture ne nous disaient rien. Le premier jour, nous avons voulu atteindre à pied la crique que nous avait indiquée notre hôte. Jonathan nous a suivis en grommelant, et sa mauvaise humeur n'a cessé de croître au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans un chemin qui se convertissait en maquis impénétrable, empli de ronces, de branches griffues et d'épines acérées. Les murets de pierres sèches simplement superposées qui le bordaient ne pouvaient nous servir de refuge car ils étaient trop instables et souvent écroulés sous l'assaut des plantes et des intempéries. Nous sommes quand même parvenus à une plage (après une heure quasiment de galère, jambes griffées et corps en sueur), mais elle était couverte d'algues et rendue nauséabonde par la proximité d'un étang presque asséché qu'arpentaient quelques oiseaux de mer.
Ces étangs sont d'ailleurs assez curieux. Séparés de la mer par une bande de sable plus ou moins haute, ils constituent un biotope spécifique, où plantes et animaux sont accoutumés à un assèchement périodique. Enfin, cela ne se produit pas sans une hécatombe de petites bêtes piégées dans l'eau raréfiée, et je marche sur un lit consternant de cadavres de poissons, bivalves et crabes dont se repaissent les oiseaux. J'ai l'impression que certains ne se remplissent que d'eau douce et que d'autres, comme celui dont j'ai examiné le contenu, sont en relation avec la mer et contiennent des eaux saumâtres.
Le sable des plages et du fond des mers était jonché d'amas ovoïdes bizarres. Je cherchais sur la côte quelle plante pouvait produire de telles quantités de rejets et ne la trouvais pas. C'est dans un livre du conservatoire du littoral couvert de superbes aquarelles que j'ai trouvé la solution. Il s'agit de rhizomes de posidonies. Un site intitulé Ecogeste Méditerranée fournit les renseignements suivants : les posidonies sont ces herbiers que j'avais remarqués qui poussent à faible profondeur dans la mer. Ils servent d'abri, de lieu de reproduction, accueillent 25 % des espèces observées en Méditerranée, constituent une source de nourriture importante, ainsi que de production de grandes quantités d’oxygène, ils fixent les fonds grâce à leurs racines (ces fameux rhizomes qui s'enroulent en pelote sous l'action du va et vient des vagues), favorisent la protection du littoral en limitant la force de la houle et diminuent l’érosion des plages avec les banquettes (feuilles mortes qui se déposent sur les plages) - ce qui m'avait dégoûtée -. Cet écosystème, protégé depuis 1988, subit des perturbations multiples qui ont engendré sa régression sur une bonne partie du littoral ; celle-ci provient de la plaisance qui provoque, par des ancrages répétés et concentrés, une dégradation mécanique, des aménagements (ports et digues) qui les ont recouverts, des rejets d’eaux usées qui diminuent la transparence de l’eau, de la présence de certaines espèces introduites, comme la Caulerpa taxifolia, qui peuvent entrer en compétition quand l’herbier est fragilisé.
Corse |
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12 au 18 juillet 2006 |
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Cathy, Jean-Louis, Jonathan, Archangela |
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