La
découverte des premiers indices de plantes terrestres et de la
diversification de la vie sur les continents avec la sortie des eaux
des animaux par la suite
est une autre étape décisive de l'évolution de l'histoire
de la vie et de la Terre. Cette colonisation de la surface terrestre, phénomène
que l'on appelle encore « terrestrialisation », et le déploiement
progressif du couvert végétal avec le développement des
sols, vont fondamentalement modifier l'environnement et le climat, par le stockage
de carbone et l'intensification des processus d'altération continentale. - Photo : Dasycladales (Acetablaria ryukyuensis) :
Algues vertes. -
Depuis l'Ordovicien, des formes pluricellulaires
d'algues vertes (Dasycladales, Caulerpales) et rouges (Cryptonémiales)
se diversifient et occupent le milieu aquatique. Les premières
Charophytes sont considérées comme des intermédiaires
probables entre les algues vertes et les plantes terrestres. On
trouve d'abord des cryptospores,
qui sont des spores simples, trouvées
soit sous forme de cellules isolées (monades), ou associées par
deux (dyades), ou par quatre (tétrades permanentes), nues ou enfermées à l'intérieur
d'une enveloppe organique. Ces éléments sont produits par une
flore primitive, apparentée aux mousses par exemple, et encore largement
inféodée
au milieu aquatique. Ces premiers végétaux sont des cryptogames
non vasculaires : algues, champignons et lichens, des bryophytes (hépatiques,
mousses), ne comprenant pas de tissus conducteurs. Les plus vieux assemblages
incontestés
de cryptospores sont datés de l'Ordovicien moyen (Darriwilien, environ
468 Ma), mais pourraient remonter au Cambrien moyen.
- Photo : Caulerpales (Caulerpa taxifolia) : Algues
vertes -
Il faut attendre l'Ordovicien supérieur,
pour trouver aussi des spores
trilètes, c'est-à-dire qui portent une fente germinative caractéristique
en forme de croix à trois branches, indiquant qu'elles étaient
formées en tétrades avant d'être dissociées. On ne
connaissait jusqu'à présent que de rares spécimens, non
ornementés. La
présence de spores trilètes est pourtant
très importante, puisque l'on considère généralement
qu'elles sont dérivées des plantes Cryptogames vasculaires
(dont les appareils reproducteurs sont cachés)
ou
de leurs précurseurs (protracheophytes), c'est-à-dire
de végétaux, fougères par exemple, possédant des
tissus spécialisés pour le transport de la sève.
Le développement des plantes vasculaires était fixé généralement
au Silurien (-443 à -416 Ma), et considéré comme une étape
essentielle dans l'organisation des plantes sur le continent, avec une exploitation
d'un spectre plus large de niches écologiques.
En effet, des
restes
fossilisés des premières plantes vasculaires du genre Cooksonia
ont été découverts dans des strates remontant au Silurien
(425 Ma) en Grande-Bretagne, Europe centrale, Libye,
Amérique du Nord, Australie, Chine... D'après les reconstitutions
réalisées à partir de ces gisements, ces plantes forment
des tapis plus ou moins exondés d'une trentaine de centimètres
de haut, sur les marges littorales des continents, déserts rocheux encore
dépourvus de végétation et de sol. -
Photo
: Cryptonémiales
(Cryptonemia umbraticola) : algues rouges -
Mais
la découverte en
Arabie Saoudite, dans l'Ordovicien supérieur (Katien moyen, environ
450 Ma), de nombreuses spores trilètes ornementées,
avec une diversité qui n'était connue auparavant qu'à partir
du Silurien moyen (Wenlock, Homerien, 426 Ma), vient
bouleverser ce schéma, avec l'hypothèse que l'expansion des plantes
vasculaires et de leurs précurseurs (protracheophytes) s'est opérée
beaucoup plus tôt, et à partir du continent gondwanien.
Elle
change notre perception du processus de colonisation des continents par les
plantes et de la période de sortie des eaux liée à une
innovation, l'apparition de tissus de soutien conducteurs de sève jusqu'à l'extrémité des
tiges (tissus vasculaires), qui va permettre la vie émergée.
- Photo : Charophytes de la mer
baltique : intermédiaires
entre les algues et les plantes terrestres. - Dyades de
l'Ordovicien moyen -
Cette colonisation du milieu aérien a été rendue
possible grâce à plusieurs innovations fondamentales :
- la capacité de ces plantes à résister à la
dessiccation
par la formation d'une cuticule et d'ouvertures spécialisées permettant
les échanges gazeux, les stomates ;
- la production et dispersion de spores également résistantes à la
dessiccation grâce à une enveloppe protectrice formée de
sporopollenine, substance proche de la chitine des arthropodes ;
- la vascularisation des axes qui permet la circulation de l'eau et des éléments
nutritifs dans toutes les parties de la plante.- Photos :
Tétrades de l'Ordovicien moyen (diamètre
de 20 à 40 µm) - Spores trilètes de l'Ordovicien supérieur
(diamètre 30 à 40 µm) - Cooksonia caledonica. Qq cm haut.
Un exemple des premières plantes vasculaires qui produisent ces spores
trilètes, que l'on trouve dans le Silurien du Pays de Galles. -
Ce
foisonnement prend fin à 480 Ma avec l'une des premières
extinctions massives des espèces vivantes sur Terre (environ 85%
des espèces macroscopiques).
Les causes extraterrestres (impacts météoritiques) ne sont
pas prouvées. Par contre on peut incriminer un grand refroidissement
global et des variations du niveau marin (dites glacio-eustatiques). Le
supercontinent Gondwana recouvre alors le pôle Sud et porte une immense
calotte glaciaire (inlandsis) qui mobilise d'énormes quantités
d'eau. Le
niveau des mers s'abaisse, ce qui entraîne un ralentissement
de la circulation océanique et une diminution de la teneur en oxygène,
engendrant des conditions de vie plus difficiles. La glaciation suivante
se produit à l'Ordovicien
et provoquera une nouvelle extinction majeure (60%) d'êtres vivants
sur Terre. Dans le cadre des préoccupations actuelles sur le taux
de gaz carbonique atmosphérique, cette époque fait l'objet
d'études attentives car certains aspects de son climat entre 460
et 440 Ma étaient très comparables à ceux du climat
actuel. - "Extinctions
de masse. Sur le schéma ci-contre, la longueur des barres horizontales
de couleurs diverses est proportionnelle à l'ampleur de l'extinction" -
On considère que la biodiversité actuelle représente tout au plus 1% de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé. En clair, cela signifie que 99% des espèces se sont éteintes. De grands changements fauniques avaient servi à délimiter les grandes ères lorsqu'on a construit le calendrier des temps géologiques. Ces grands chambardements correspondent à ce qu'on appelle des extinctions de masse, un phénomène qui a forcé la vie à se réorganiser à plusieurs reprises durant les temps géologiques. - Schéma : Extinctions de masse - Photo : Spores de fougère (Gorges de Kakueta, Ste-Engrâce). -
La
conséquence la plus directe
d'une extinction de masse – ce
qui offre énormément d'intérêt pour le paléontologue
de l'évolution – est l'apparition d'une flore et d'une faune
de récupération qui donnent lieu assez rapidement à des
assemblages nouveaux, à une réorganisation de la vie.
Fait
intéressant à noter : les recherches les plus récentes
semblent indiquer que la communauté la plus rapide à coloniser
les espaces nouveaux est celle des bactéries qui
précède
les communautés à métazoaires (organismes multicellulaires),
comme si on refaisait l'histoire du Précambrien-Cambrien à chaque
fois. Dans son dernier ouvrage de vulgarisation, Stephen Jay Gould (L'éventail
du vivant, Seuil, 1997) apporte des arguments plutôt convaincants à la
non existence du progrès dans l'évolution. Il y écrit
notamment : " Je crois que les spécialistes les mieux avertis
de la vie ont toujours eu le sentiment que les archives fossiles décevaient
l'espoir d'y trouver le réconfort désiré par la pensée
occidentale : un signal clair de l'existence d'un progrès se traduisant
par une complexité sans cesse croissante, au cours du temps, de
la vie dans son ensemble. Les données immédiates confirment
ce sentiment, car, comme dans le passé, la plupart des environnements
sont encore aujourd'hui dominés par des formes organiques élémentaires
[bactéries]. Face à une telle évidence, les défenseurs
du progrès (...) se sont alors désespérément
raccrochés à un autre argument (...). Ils se sont étroitement
focalisés sur l'histoire de l'organisme le plus complexe et ont
invoqué la
complexité sans cesse croissante de cet organisme au fil du temps
comme un substitut fallacieux au progrès de la vie dans son ensemble
(p. 207). - Photos : Mousse. Cuticule de champignon
mangée par une limace (Iraty). Stomate d'épiderme inférieur
de feuille de Polypode vulgaire (fougère) : Coloration eau iodée
diluée. -
Pour conclure cette présentation, voici quelques repères de datation qui permettent de mettre en perspective les activités botaniques que nous avons entreprises depuis deux ans à l'Université du Temps Libre d'Anglet en les insérant dans l'histoire de la Terre.
3.8 milliards d’années: apparition des cyanobactéries
2.0 milliards: apparition micro-algues
400 millions: lichens, mousses
350-200 millions d’années: carbonifère
65 millions: fleurs (reproduction sexuée)
50-30 millions: végétation proche de la végétation
actuelle
Photo : Végétation des gorges de Kakueta - Sainte-Engrâce.
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UTLA – Atelier de botanique – 2011-2012 | Comment sont apparues les plantes terrestres ? |
Exposé du 12 septembre 2011 |