En
nous élevant au-dessus de la vallée, damier de prés et
de petits bois encore voilé de brume matinale, nous apercevons soudain
un vautour fauve, très commun dans ces montagnes. Il ne semble pas
effarouché et regarde passer les promeneurs depuis son perchoir, pointe
rocheuse à l'aplomb du vide. Nous nous baissons pour ramasser plumes
et duvet sur le sentier : il mue sans doute à l'approche de l'été.
On
siffle pour avertir ceux qui sont en tête (ils avancent tête baissée
et ne se doutent de rien). Evidemment, tout ce bruit finit par déranger
l'animal qui s'envole majestueusement, effectue quelques courbes et revient
se poser un moment après.
Nous franchissons deux
ou trois crêtes et finissons par apercevoir à l'horizon la silhouette
enneigée de l'Autza. Il
est vrai que le fond de l'air est frais en altitude, malgré l'ardeur
des rayons du soleil, et les dernières chutes de pluie en Pays Basque
ont dû se convertir en neige au-dessus des mille mètres. C'est
étonnant, parce
qu'elle persiste alors qu'elle est exposée au sud-est. Sur le flan
d'une autre crête,
un
troupeau de moutons progresse en lignes parallèles, tandis qu'au-dessus
de la cime tournoient les vautours en bande nombreuse, dans l'attente d'une
chute malencontreuse. De pauses thé brûlant (à la mûre
sauvage et au miel) en pauses abricots moëlleux et eau fraîche,
nous traversons des paysages variés, les champs d'asphodèles
laissant la place à des buissons d'ajoncs aux formes ramassées
pour lutter contre le vent et le gel hivernal.
Des
mousses et lichens recouvrent les rochers, et de petites fleurs aux corolles
fragiles, à la tige réduite au strict minimum, égaient
les pentes plus sévères à l'approche des cimes.
Un berger aidé
d'un jeune chiot de trois mois vient d'enclore ses moutons tandis que paissent
librement plus loin des pottoks et leurs poulains à la robe soyeuse
et emmêlée, entre les pierres dressées des cromlechs de
la préhistoire. Nous rencontrons de plus en plus de monde au fur et
à mesure que nous approchons de l'Autza. Français
et Espagnols se côtoient, ceux qui descendent encourageant ceux qui
montent, rares étant ceux qui ne nous adressent pas de salut (hola,
bonjour, buenos dias, agur !).
Nous entamons la dernière
ascension, à travers la forêt dont les nombreux troncs couchés
témoignent de la dureté des intempéries. Au
niveau d'Harrigorri (la roche rouge), nous jetons un regard vers la corniche
où nous avions vu un vautour lors de notre dernier passage : apparemment,
ils sont tous à planer dans les airs.
Entre
les troncs des hêtres aux branches couvertes d'un mince feuillage printanier,
nous apercevons la bande neigeuse qui borde le sommet de l'Autza, insolite
en ce mois de mai et sous ce ciel d'un bleu vif, exempt de tout nuage.
Je me motive en évoquant
le contenu de mon sac à dos : qu'il va être bon le taboulé
! et
la tomate, et le pain de campagne aux céréales, pour accompagner
jambon blanc et fromage ! et cette pomme bien rouge et bien juteuse ! Cela
doit faire bientôt quatre heures que nous montons, et je commence à
avoir une faim de loup (de louve). Je crois que ce repas sera mérité.
Ce qui est extraordinaire, c'est le goût que prennent les aliments après
l'effort. Je me souviens des huîtres au sommet de la Rhune, déposées
sur la neige et arrosées d'un filet de citron, et dont le jus dégoulinait
sur nos doigts gourds : quel régal ! Xavier nous offre de la saucisse
sèche, et Serge a pensé à apporter une bouteille de bon
vin qu'il partage entre nous dans les verres "cristal" dont il a
songé à se munir : Luculus chez Luculus... Il ne manque que
le café. A défaut, nous finissons mon thermos de thé
tandis que les hommes évoquent avec concupiscence la bière qu'ils
commanderont à la venta du col d'Ispéguy. Le sport, d'accord,
mais pas l'ascétisme...
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Une magnifique randonnée (Saint Etienne de Baïgorri - crêtes - Autza - col d'Ispeguy) Participants : Max, Xavier, Serge, Jean-Marc, Jean-Louis et Cathy |
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