Après
s'être escrimé pendant un bon moment sur ses silex (il faut d'ailleurs
faire attention, car j'ai failli me
faire éborgner par un éclat qui a jailli, et nous craignons qu'il ne
se casse le fémur en même temps que la pierre - à force, il s'est fait,
lors d'ateliers de plusieurs jours consécutifs, une tendinite au coude
ou à l'épaule, je ne sais plus -), il décide de nous faire une démonstration
d'allumage
du
feu
- sans
allumettes
ni
briquet
bien
sûr
-. Il s'empare d'un arc de sa fabrication à la corde un peu lâche dont
il entoure une baquette effilée à ses extrémités d'une double boucle.
La tenant perpendiculairement, il l'enfonce dans un trou percé préalablement
dans une planchette, disposée au sol sur une languette de cuir dont nous
découvrirons l'utilité à la fin.
Il
manie l'arc vigoureusement d'avant en arrière d'une main, en maintenant
la baguette par l'autre extrémité qui pivote
dans un coquillage (une coquille St Jacques) qu'il tient dans sa paume
afin d'éviter qu'elle ne se perce ou brûle. L'échauffement
dû
au
frottement
bois contre bois ne tarde pas à faire apparaître une petite fumée qui
s'épaissit rapidement. Il continue en vérifiant de temps à autre la base
: dès qu'une braise est formée (assez rapidement, en moins de deux minutes),
il la fait tomber sur la languette de cuir, puis il la place délicatement
sur des brindilles ramassées dans le creux des branches des cyprès (de
préférence à celles du sol, moins sèches et mêlées à d'autres matériaux).
Il
s'empare d'un boufadou toujours de sa fabrication et souffle dans la
branche creuse pour attiser la braise
jusqu'à
l'obtention
de
flammes
sur lesquelles
il dépose
des
aiguilles courtes de pin bien sèches : le feu est allumé. L'opération
a duré très peu de temps, très peu d'efforts, et semble vraiment très
facile à reproduire (à condition d'avoir le matériel adéquat préalablement
préparé).
Ensuite, il s'empare d'un amadouvier,
gros champignon qui pousse en arc de cercle autour des troncs. La matière
située sous la couche superficielle est formée de filaments qui ont été
utilisés de tous temps et pour finir dans les briquets à amadou avant
d'être remplacés par du coton (On a découvert un
morceau d'amadou dans le matériel
d'Ötzi, cet homme de l'âge du cuivre, retrouvé parfaitement
conservé, car congelé, dans un glacier à la frontière
austro-italienne en 1991 - Futura-Sciences -
2 mai 2007).
Il est faux de penser qu'il suffit de choquer deux silex
l'un contre l'autre pour obtenir du feu : les étincelles ainsi produites
ne sont pas assez chaudes, nous explique-t-il. Il faut utiliser de la
pyrite de fer par exemple, qui, cognée par un silex, produit des étincelles
qui tombent sur l'amadou qui s'embrase. Il faut alors se saisir de la
petite braise rougeoyante en découpant délicatement l'amadou (toujours
avec des outils de silex), et la déposer comme dans la technique précédente
avec la braise de bois tendre sur des brindilles sèches et reproduire
le même processus.
Le
problème, c'est que l'amadou, une fois enflammé, s'éteint très difficilement.
On a beau avoir retiré la
braise, ses alentours se sont échauffés suffisamment pour poursuivre
la combustion. Une fois, il avait laissé son amadouvier qui avait servi
à la démonstration dans une salle de classe du collège où il officiait,
et lorsqu'il y est retourné, il y avait de l'agitation dans le couloir,
on sentait le brûlé, un peu plus, il mettait le feu à l'établissement
! A cause de cette expérience, il préfère désormais humidifier l'amadouvier
quand il s'en va et le sécher au sèche-cheveu ou au soleil
pour l'animation suivante, mais, étant donnée l'épaisseur, il est difficile de le sécher
en profondeur, ce qui explique que la veille il ait pu allumer son feu
en trois coups et quelques étincelles, alors qu'aujourd'hui il a énormément
de mal à le faire démarrer. Conclusion, il est indispensable d'avoir
du matériel bien sec... et de faire attention à ne pas se fracasser les
doigts quand on frappe une pierre sur l'autre.
Pour terminer, André Mazière déclare
qu'il a assez travaillé, et que c'est désormais à notre tour de réaliser
quelque chose de nos propres mains selon les techniques en vigueur à
l'époque de la pierre taillée ! Jean-Louis proteste qu'il n'est pas manuel
et incapable de bricoler : l'animateur ne veut rien entendre, il tient
à ce que chacun de nous expérimente par lui-même.
Il va chercher une
caissette qui contient des plaquettes d'os de tailles diverses. Ce sont
des côtes de boeuf qu'il a ébouillantées pour les nettoyer et retirer
les chairs qui y adhéraient, puis il les a découpées en tronçons qu'il
a fendus dans l'épaisseur pour en obtenir des tranches fines. Ensuite,
il y a tracé un trait au crayon : nous allons confectionner des aiguilles
à coudre (des peaux de bête, bien sûr !).
Il
nous tend une baguette de bambou fendue en deux : elle nous servira de
réglette d'appui pour diriger notre geste.
Une autre caissette contient une panoplie d'outils de silex de petite
taille qu'il a confectionnés : poinçons, pointes, scies.
Il nous montre comment faire : s'emparant d'une mince plaque de silex
terminée par une
pointe, il commence à creuser une fente en s'appuyant sur la réglette
pour suivre la ligne. Maintenant,
à notre tour ! L'os s'attendrit lorsqu'il est humecté, il faut donc verser
dans la fente quelques gouttes régulièrement
à l'aide d'une burette.
Quand la fente est bien marquée, nous poursuivons
avec une scie minuscule qui disparaît presque entre nos doigts et se
casse facilement, nous sommes obligés de changer d'outils deux
ou trois fois. Avant de finir de détacher le fragment d'os, il faut en raboter
l'autre côté sur une pierre préalablement creusée de petits fossés pour
donner à la future aiguille son arrondi et affiner la pointe.
A l'aide du poinçon, nous creusons le chas de l'aiguille en tâchant
de bien le centrer (toujours en humectant régulièrement de quelques
gouttes d'eau). Nous avons alors
la permission
de terminer de scier et il faut faire de même
avec
l'autre côté, en affinant au maximum.
En une demi-heure, c'est fait,
nous avons réalisé notre chef d'oeuvre que nous emportons
avec nous !
C'est notre diplôme d'homme (et de femme) préhistorique
! Il nous donnera en outre une partie des outils qui lui ont servi à allumer le feu (sauf
l'arc,
qu'il
faudra
confectionner
nous-mêmes, si nous voulons renouveler l'expérience).
En tout, nous aurons passé quatre heures
avec André Mazière, sans voir le temps passer ! Parfois, Jean-Louis faisait
mine de vouloir s'en aller, mais il nous raccrochait par une nouvelle
démonstration et son discours enthousiaste et documenté.
Lorsque nous quittons Elne en direction de St Cyprien, une montgolfière est en train
d'essayer de prendre son envol. Nous faisons demi-tour in-extrémis pour
nous garer dans une contre-allée. Des rafales de vent la ballote de côté
et d'autre.
Les clients grimpent dans la nacelle pendant les accalmies
et en redescendent précipitamment quand la nacelle se déséquilibre jusqu'à
se coucher sur le côté, entraînée par l'énorme
ballon. L'attente dure un bon moment, il faut finalement le regonfler
dans un grand vrombissement
et des vomissements de longues flammes qui risquent d'embraser la toile.
Enfin ils décollent, et tous les spectateurs qui nous ont imités
applaudissent et s'exclament. Ce spectacle ne nous donne pas envie de
tenter l'aventure,
trop risquée à notre goût ! St Cyprien village est
désert, impossible
d'y trouver un restaurant, il faut aller trois kilomètres plus loin,
sur la côte où sont agglutinés tous les touristes et où sont organisées
toutes les animations à leur intention. Nous y passons une très agréable
soirée à écouter deux chanteurs excellents chanter des chansons anciennes...
Photos : Détail de vitraux de l'abbaye de Fontfroide (collage de portions de vitraux anciens brisés récupérés et insérés dans des vitraux modernes) - Fleurs du Canigou - Montgolfière à Elne.
Cathy et Jean-Louis | Un pays de cocagne La vallée du Conflent en Catalogne du Nord |
Du dimanche 13 au jeudi 17 juillet 2008
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