Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili.
Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai

3 au 16 mars au Rajasthan et

du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai

indeindeDe retour à la Porte de l'Indépendance, je remarque une statue qui m'avait échappé à l'aller. Elle représente le Maharaja Chatrapati Shivaji que l'on retrouve fréquemment dans la littérature, la propagande et les affiches du parti Marathi chauvin Shiv Sena, du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata et aussi des partis du Congrès dominés par la caste Maratha (caste des guerriers) (NCP et Indira) au Maharashtra. D'anciens dirigeants de parti du Congrès tel que Yashwantrao Chavan étaient considérés comme des descendants politiques de Shivaji qui demeure à la fois une inspiration pour les nationalistes indiens et un symbole de l'opposition à l'hégémonie musulmane et au fondamentalisme islamique. Je résume brièvement son histoire, car elle rejoint celle du Rajasthan que nous avons visité.

Nous sommes au XVIIe siècle, le Nord de l'Inde est occupé par les Moghols - Shivaji est contemporain de Shah Jahan et de son successeur Aurangzeb - et le Deccan est partagé entre trois sultanats musulmans. indeShivaji Bhosale fonde l'Empire Maratha qui durera jusqu'en 1818 et dominera à son apogée une grande partie du subcontinent indien. Aristocrate du clan Maratha Bhosle, Shivaji dirige la résistance contre le sultanat Adilshahi de Bijapur et l'Empire moghol et il établit une 'Hindavi Swarajya' (l'autonomie du peuple hindou). Il crée le royaume indépendant Maratha avec Raigad pour capitale et il est couronné 'Chhatrapati' (souverain primordial) des Marathas en 1674. Shivaji innove dans le domaine militaire, en utilisant des méthodes de guérilla qui tirent avantage de la géographie, de la vitesse et de l'effet de surprise. Il remet en vigueur les anciennes traditions politiques et judiciaires hindoues, et il préconise l'usage du Marathi et du Sanskrit, plutôt que du Perse, à la cour et dans l'administration. - Photo : Portrait de Shivaji au British Museum - Mirza Raja Jai Singh d'Amber recevant le Maharaja Shivaji la veille de la signature du Traité de Purandar (12 juin 1665). Auteur : Arjun Singh Kulkarni - Cantonnier de Mumbai -

indeindeNous reprenons le taxi et je remarque quelques scènes de rue étonnantes. Un cantonnier retourne une à une à la main les pierres qui comblent une longue balafre sur le côté de la route, sans doute pour qu'elles présentent le moins d'aspérité possible sous le pied des passants. Les milans planent au-dessus de la ville. Mahesh profite d'un embouteillage pour nous expliquer qu'il y a deux sortes de taxis, les nouveaux modèles sont plus spacieux que les anciens, mais ils arborent exactement les mêmes couleurs, carrosserie noire au toit jaune. Nous longeons un parc où des équipes dispersées sur toute la longueur disputent des matches de cricket. Ce doit être un tournoi. indeAu premier plan, les troncs d'arbres alignés sur le trottoir sont peints en rouge et blanc, comme au Rajasthan. Je trouve sur un forum que les hypothèses de prévention contre les insectes ou les accidents routiers seraient erronées ; il s'agirait d'une marque de propriété du gouvernement, montrant qu'ils sont dénombrés et qu'il faut demander une autorisation pour les couper. Des bâtiments de style gothique remontant à l'époque coloniale entourent la grande place. Quelques rues plus loin, une enfilade d'échoppes minuscules violemment éclairées abritent des coiffeurs-barbiers qui officient tandis que d'autres clients patientent, debout sur le trottoir derrière les grands sièges.

En fin d'après-midi, Mahesh a la gentillesse de nous emmener sur son circuit de promenade favori, en partant à pied depuis chez lui. Nous repassons dans la rue aux petits commerces, traversons la voie sous le viaduc, et montons sur la colline Mazgaon en direction du Jardin Joseph Baptista sous lequel se trouve la citerne à eau Bhandarwada construite en 1880. indeEn bordure, un bidonville s'étend au pied des grands immeubles. Mahesh fait un petit détour par un temple qui domine le port et la baie parsemée de bateaux. Nous y voyons les éléments symboliques de Shiva, le lingam, emblème phallique symbole de la création, sur lequel sont déposées en offrandes une banane et des fleurs. indeIl est surmonté du cobra à têtes multiples, collerettes déployées, d'un chaudron de cuivre empli de lait, semble-t-il, qui s'écoule goutte à goutte sur la pierre. Le lingam repose dans une large vasque, le 'yoni', figurant l'organe féminin, la matrice du monde. Le trident et la lampe à huile très joliment ornée en son centre d'un paon doré à la queue dressée sont posés à côté de grands coquillages en forme de conque. Mahesh se recueille, met un peu d'argent dans une boîte et, avant de partir, reçoit du prêtre une partie des offrandes (des fruits) faites par d'autres fidèles. Nous revenons sur nos pas pour monter au sommet parmi des promeneurs de toutes confessions et de tous âges paisiblement mêlés. L'aire de jeu des tout-petits est impressionnante : des dizaines d'enfants sur lesquels veillent leurs parents escaladent en grappes serrées les toboggans et autres balançoires pris d'assaut. indeSur la pelouse, les gens sont assis ou allongés en petits groupes. Quelques jeunes couples d'amoureux profitent de cet endroit, sinon tranquille, du moins éloigné du cercle familial, pour se retrouver. Le soleil se couche derrière les gratte-ciel, tandis que la température s'adoucit.

indeLe lendemain matin, Ramya se lève très tôt et s'active dans la cuisine pour préparer des mets spéciaux, nécessaires aux rites religieux qu'elle accomplit avec son père. Un corbeau bicolore se perche dans l'embrasure sur la porte-fenêtre entrouverte, dans l'espoir d'une manne qui ne vient pas. Notre amie est fatiguée et soucieuse, mais elle ne manquerait pour rien au monde à ses devoirs d'hôtesse. indeNous nous rendons en taxi à Mani Bhavan, où nous rencontrons pour la première fois Maithili qui vient faire notre connaissance et visiter avec nous ce lieu historique. Il s'agit de la maison que Gandhi occupa de 1917 à 1934, et à partir de laquelle il lança la 'Satyagraha' ('étreinte de la vérité' par des actions non violentes) en 1919 et la désobéissance civile en 1932. Nous la visitons tous les quatre. Sur les murs d'un couloir, quelques phrases sont encadrées dont je traduis ici la teneur.

"Je veux travailler pour une Inde où les plus pauvres sentiront qu'elle est leur pays, dans l'élaboration duquel ils ont une voix effective ; une Inde dans laquelle il n'y aura plus de haute classe ni de basse classe ; une Inde où toutes les communautés vivront en parfaite harmonie." "Ainsi la démocratie doit être par essence l'art indeet la science de mobiliser la totalité des ressources physiques, économiques et spirituelles de toutes les différentes sections de la population pour le service du bien commun de tous." "Les moyens et la fin sont des termes convertibles dans ma philosophie de vie... indeet il y a exactement le même lien inviolable entre eux qu'entre la semence et l'arbre." "Traiter les femmes de sexe faible est une diffamation ; c'est l'injustice de l'homme à l'égard de la femme... Si, par force, on veut dire puissance morale, alors la femme est infiniment supérieure à l'homme... Si la non-violence est la loi de notre être, le futur se fera avec les femmes." - Photos : Temple Radhagopinath ou "International society for Krishna consciousness Temple" ou “Hare Rama Hare Krishna Temple” - Détail : paon sculpté sur la façade -

Un article intitulé "Our Workers" (nos travailleurs) est affiché dans le musée. C'est une interview de Gandhi alors qu'il est encore étudiant en Angleterre. Le journaliste lui demande les raisons de sa venue à Londres pour devenir juriste : l'ambition. indeIl relate qu'après l'obtention de son diplôme à l'université de Bombay en 1877, il a intégré le Collège Bhownagar, car sans diplôme universitaire de Bombay, on n'a pas de statut dans la société, il est difficile de trouver un emploi, à moins de bénéficier de l'aide de personnes influentes pour avoir un poste respectable et un bon salaire. Il est alors affligé de constants maux de tête et de saignements de nez, qui sont attribués à la chaleur du climat indien. Lorsqu'un ancien ami de son père décédé lui conseille d'aller étudier en Angleterre, non seulement il pense que cela lui donnera de bonnes perspectives professionnelles, mais en plus il désire découvrir "le pays des philosophes et des poètes et le véritable centre de la civilisation". Les amis de son âge le soutiennent dans sa décision, mais pas les gens plus âgés qui pensent qu'il va se détruire moralement et que ce sera une disgrâce pour sa famille. indeD'autres sont jaloux, ou disent qu'il est trop jeune, ou qu'il ne supportera pas le climat. - Photo : Les ouvriers du bâtiment travaillent bien en équilibre sur les bambous des échafaudages ! -

Le musée expose un extrait de sa correspondance avec Tolstoï en 1909-1910, juste avant le décès du grand écrivain. Le comte Lev Nikolaïevitch Tolstoï vient de lire le livre de Gandhi 'Hind Swaraj - Indian Home Rule' et il aime l'idée de 'résistance passive' qui est, souligne-t-il, non seulement importante pour l'Inde, mais aussi pour l'humanité toute entière. Il signe sa missive 'votre ami et frère'. Tolstoï est végétarien depuis 1885, et ses écrits reflètent à la fin de sa vie ses pensées à la fois mystiques et anarchistes, montrant son intérêt pour le bouddhisme, et dont Gandhi se fera l'écho en les adaptant à la réalité indienne. Il est alors toujours en Afrique du Sud. Il sera arrêté durant la marche de protestation vers le Transvaal en 1913 et passera au total 249 jours dans les prisons sud-africaines. Il écrira toutefois : "Je ne souhaite pas le bonheur de mon pays au sacrifice du bonheur de tout autre pays". Albert Einstein écrira à son propos : "...un homme qui s'est confronté à la brutalité de l'Europe avec la dignité d'un simple être humain, et qui s'en est montré ainsi supérieur pour tous les temps." - Photos : Ci-dessous : Temple Radhagopinath : Détails du sanctuaire, chaque dieu ayant un animal qui lui correspond. -

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indeindeEn 1917, les paysans du Bihar demandent à Gandhi son aide : ce sera le début de la 'Satyagraha' ('étreinte de la vérité' par des actions non violentes) en Inde. Dans le district de Champaran, il organise la résistance civique de dizaines de milliers de fermiers sans terre, serfs et petits propriétaires pauvres, qui sont forcés de cultiver l'indigo et d'autres produits d'exportation au lieu de cultiver les plantes nécessaires à leur subsistance. Alors que sévit une terrible famine, les Britanniques veulent encore augmenter l'une de leurs taxes, ce qui rend la situation désespérée. Gandhi lance son premier mouvement de désobéissance civile en Inde et obtient l'abolition de l'obligation de planter de l'indigo. - Photo : Un autre temple avec une feuille percée en son centre sur chaque marche qui mène au porche d'entrée orné d'un paon de marbre blanc. -

indeCet épisode fait écho à l'émerveillement permanent que tout visiteur éprouve à la vue des saris aux couleurs somptueuses que revêtent les femmes hindoues. La civilisation de l'Indus (Pakistan actuel) fut en effet la première à mettre en oeuvre les techniques d'obtention d'un indigo d'un bleu tirant vers le violet, plus vif que nulle part ailleurs, qui se développèrent en même temps que celles de la transformation des houppes des graines de coton en tissu. Très tôt, le commerce des tissus indiens prit une envergure internationale, couvrant le bassin méditerranéen, la Russie et la Chine. Hérodote mentionne déjà en 450 avant notre ère le commerce de petits pains d'indigo, rapporté plus tard par Vitruve et Pline l'Ancien, mais le secret de la teinture des tissus demeure jalousement gardé par les Indiens. Les premiers Européens à pratiquer la culture de l'indigo hors de son berceau sont les Vénitiens et les Génois qui prennent possession de l'île de Chypre lors des Croisades autour de l'an mille. Ils plantent l'indigo autour des cannes à sucre, le travail étant effectué par des esclaves. - Photo : Mosquée au bout d'une jetée dans la baie de Mumbai -

indePlus tard, les Français obtiendront une couleur approchante en cultivant le pastel (ou guède), mais sans être capables de bien en fixer la couleur sur les tissus. A partir de 1560, les Portugais font brièvement de très bonnes affaires auprès des Espagnols, indeNéerlandais et Anglais en important l'indigo depuis le Gujarat (l'Etat indien au nord de Bombay). Dès le début du XVIIe siècle, les Compagnies des Indes anglaise et néerlandaise supplantent les Portugais dans ce marché très lucratif. C'est lors de la main-mise croissante de l'empire britannique sur l'économie indienne que des tensions apparaîtront dans les secteurs-clé qui seront pointés par Gandhi. Cette remise dans son contexte offre une nouvelle perspective sur ce conflit commercial. Lors de notre parcours en Rajasthan, ce sont bien les havelis des princes rajputs et grands commerçants de la route de la soie que nous avons admirés. Ils vivaient au sein d'une société indienne inégalitaire depuis des temps immémoriaux, contre laquelle Gandhi lutte également. D'une part il s'évertue à restaurer l'industrie villageoise et notamment celle du tissage du Khādī (ou Khaddar) et d'autre part il scandalise bien des bonnes âmes des hautes castes en invitant à vivre dans son ashram une famille d'intouchables. - Photos : Mosquée au bout d'une jetée dans la baie de Mumbai - Perspective d'un gratte-ciel vu par le porche d'entrée à la mosquée -

indeRamya et Maithili sont toutes deux passionnées par la France. Ramya a étudié notre langue à l'Alliance française où se rend maintenant Maithili, en faisant le sacrifice de payer un prix conséquent pour les cours, et en plus, en effectuant un long trajet pour s'y rendre. Par ailleurs, le quart nord-ouest de l'Inde est jumelé avec la France dans le cadre de l'association Perspectives asiennes qui a fêté ses 40 ans l'an dernier. indeDans le milieu des années 60, un ingénieur hydraulicien indien, docteur Apte, et un père jésuite français, Guy Deleury, se rencontrent à Pune. Le premier a effectué des stages à Grenoble et le second habite Pune depuis 20 ans.

indeDe leurs conversations naît une idée : cette expérience prodigieuse que chacun fait de la culture de l'autre, pourquoi ne pas la faire vivre à d'autres Français et Indiens ? Le premier groupe de 90 Français arrive à Pune en 1967 et il est dispersé pendant quatre semaines dans quatre-vingt familles : leur séjour est un grand succès. L'année suivante, 140 Français font le voyage, et leur réception est d'autant plus méritoire que la situation économique est alors très difficile en Inde. En 1970, le premier groupe d'Indiens arrive en France et il est réparti dans plusieurs villes en province, la quatrième semaine se déroulant à Paris. Quelques membres du groupe, composé surtout de privilégiés, n'ont pas bien compris le sens de l'échange, un malentendu qui est à l'origine de difficultés telles que la poursuite de l'activité de l'association en est compromise. Le flambeau est repris par quelques uns des membres, qui fondent l'association Perspectives asiennes, toujours bien vivante aujourd'hui. C'est par ce biais que Ramya est hébergée dans ma famille en 2005 et que Maithili s'apprête à partir pour séjourner à Paris et en province. - Photos : Symbole du tissage du Khādī prôné par Gandhi - Après la visite de la mosquée, les touristes hindous se baignent dans l'océan - Les bords de la jetée sont jonchés d'ordures - Des rubans sont attachés aux branches d'un arbre à côté de la mosquée -

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