Richard et Anna, Marion et Sophie, Cathy et Jean-Louis, conduits dans un minibus par le chauffeur indien Bipin en Rajasthan / Réception de Cathy et Jean-Louis à Mumbai chez Ramya, Shri et Mahesh, puis chez Rashmi et ses parents, et visite d'un jardin botanique avec Maithili. | Circuit en Rajasthan / Séjour à Mumbai |
3 au 16 mars au Rajasthan et du 16 au 22 mars 2013 à Mumbai |
C'est aussi au petit jour que débute la matinée du mardi. Ramya et Mahesh nous reçoivent dans des circonstances bien particulières, dont ils se sont bien gardés de nous parler dans nos échanges par mails, par pudeur et délicatesse, très certainement. Lorsque Ramya est venue en France en 2005, elle était dans une grande affliction car elle venait de perdre sa mère, emportée par une maladie foudroyante. C'est son père qui insista pour qu'elle ne renonçât pas à ses projets, pensant, à juste titre, que cela lui changerait les idées. Malgré les circonstances et sa position de cadette du groupe d'Indiens, c'est pourtant elle qui l'a dirigé et en était responsable, c'est elle aussi qui s'en est faite la porte-parole, s'exprimant dans un français remarquable pour quelqu'un qui n'avait jamais mis les pieds dans notre pays. La section locale de l'association Perspectives asiennes avait organisé un programme de visites destinées à montrer divers aspects de la culture et du mode de vie français à la douzaine d'Indiens qui était reçue au Pays basque, l'autre moitié du groupe étant dans une autre région de France. - Photo : Messe anniversaire de l'épouse décédée de Mahesh -
Le séjour chez l'habitant est aussi un élément indispensable, et Ramya a découvert notre maison, notre famille, partagé petits-déjeuners et dîners, ainsi que nos activités du week-end. A part bien sûr la viande de boeuf (puisque la vache est sacrée en Inde) que je me suis bien gardée de cuisiner durant son séjour, elle a goûté à tous les plats, y compris les huîtres ! Il se trouvait que je devais assister à un cours de philosophie et je l'ai emmenée avec moi. Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai découvert qu'elle le suivait parfaitement, et qu'elle connaissait Platon et les philosophes grecs, Sartre, Mai 68 et ses implications dans la société française, et bien d'autres choses ! Je dois avouer à ma grande honte que je suis loin d'en connaître autant sur l'Inde ! Pourtant, cela fait quatre fois à raison d'une fois tous les trois ans, ce qui fait douze ans que je reçois des Indiens ! - Photo : Offrandes rituelles -
Aujourd'hui, Mahesh a donc demandé à deux prêtres de venir accomplir chez lui les rites correspondant à une messe célébrée le jour anniversaire de la mort de son épouse (par rapport au calendrier lunaire). C'est très difficile d'obtenir leur assentiment, car ils ont un emploi du temps chargé. Mahesh s'enquiert d'où ils viennent et ils lui répondent qu'ils ont fait un long chemin : ils ont dû marcher jusqu'à la gare, prendre le train pendant une ou deux heures et marcher encore jusque chez lui. Ils sont donc partis bien avant le lever du jour. Mahesh me donne quelques explications sur le déroulement de la cérémonie et nous invite très simplement, Jean-Louis et moi, à y assister, me disant même que je peux prendre autant de photos que je désire. C'est assez gênant, car je vois bien qu'il s'agit d'un souvenir encore douloureux que les années n'ont pas effacé. Les Hindous effectuant la crémation des corps, il est d'autant plus important pour eux d'effectuer des rites pour aider l'âme, qui perdure après la mort, à rejoindre les cieux, les ancêtres ou une rive lointaine, au royaume de Yama. Lors des funérailles, les prêtres prononcent les mantras (des vedas et puranas) pour libérer l'âme de la défunte. Les Hindous croient au cycle de réincarnation. Lorsque le défunt "monte au ciel", trois générations d'ancêtres s'y trouvent déjà, et le rite annuel est accompli aussi à leur attention. La plus ancienne génération descend sur Terre se réincarner et laisse la place au nouvel arrivant. Pour l'aider dans son voyage, un rituel particulier est accompli, qui s'appelle 'shraddha' (ce qui est fait avec foi et sincérité). Il consiste en une offrande de boulettes de riz, appelées 'pindas', qui lui fournissent un corps symbolique et transitoire. Pour exprimer symboliquement son arrivée à destination, une petite boulette est agglomérée à une portion plus importante. - Photos : Le riz, symbole du corps prêté à l'âme pour effectuer son voyage, est offert aux corbeaux - Petit-déjeuner sur une feuille de bananier - Tenue chic traditionnelle -
Quand l'âme a rejoint le pays des âmes, une année terrestre correspond à un jour 'céleste', c'est donc comme si la famille lui offrait de la nourriture et de l'eau chaque jour. S'il y a deux prêtres, c'est parce que l'un (Kartha) effectue le rituel 'shraddha' et l'autre y participe en représentant les âmes (Pithrus). La famille doit en retour nourrir les prêtres, et Mahesh m'explique qu'il est plus pratique de nos jours de leur offrir des sachets de riz et des bananes, plutôt qu'un repas qu'ils n'auraient peut-être pas envie de manger immédiatement et qui serait difficile à emporter. A la fin de la cérémonie, Mahesh étale soigneusement le riz dans une assiette qu'il pose en équilibre sur le rebord de la fenêtre (toute la vaisselle est métallique chez lui). Nous assistons à une discussion entre Mahesh, Ramya et Shri, qui est également présent, mais ne participe pas à la cérémonie, sur le problème de savoir si l'assiette risque ou non de tomber. D'abord, nous ne savons pas de quoi il retourne, mais on nous l'explique bientôt : le riz est offert aux corbeaux. Sauront-ils le prendre délicatement sans rien renverser ? Et bien oui ! Mahesh m'explique que cette cérémonie annuelle est optionnelle, et qu'elle n'est pas pratiquée par tous les Hindous. - Photo : Remariage des soixante ans -
Une fois les prêtres partis et le riz englouti par les corbeaux, Ramya et son père se mettent à discuter sérieusement entre eux dans leur langue en me jetant de petits coups d'oeil. Je ne suis pas assez chic, et Ramya propose de me prêter une de ses tenues (à moins qu'elle n'ait appartenu à sa mère ?). Mahesh aimerait que je me mette en sari, mais je refuse catégoriquement, soutenue par Ramya qui craint qu'il ne me tienne trop chaud. Marie-Jeanne, qui présidait notre section locale de Perspectives asiennes, m'avait confié un jour qu'il fallait être hindoue pour en porter : il s'agit en effet d'une très longue bande de tissu (1,20 m par 5 à 6 mètres) qui est enroulée savamment autour du corps et qui tient sans bouton ni attache d'aucune sorte. On voit d'ailleurs les Hindoues rajuster fréquemment leur tenue, traditionnelle pour les femmes mariées, et qui se porte par-dessus un jupon et un corsage serré laissant le ventre à nu. La pudeur ne s'exprime pas de la même façon selon les cultures, et j'ai vu des femmes âgées au ventre bedonnant qui ne craignaient pas de montrer leurs formes. Une fois réglée cette grave question, Ramya et Shri partent à leur travail respectif, tandis que Mahesh commande un taxi. Il nous emmène très loin de là où il habite, un trajet d'au moins une heure en voiture pendant lequel la ville se succède à elle-même, si étendue que nous n'en voyons pas le bout, et nous finissons par arriver à un temple. - Photo : Dans un angle de la salle, une image du dieu Shiva, "le bon, celui qui porte bonheur", encadré de son fils Ganesh à tête d'éléphant et de son épouse Parvâtî, avec une lampe à huile placée devant forment un petit oratoire improvisé -
Mahesh est en effet convié à une autre cérémonie, joyeuse, celle du remariage rituel d'un couple à l'occasion des soixante ans du mari. C'est l'unique occasion pour les enfants d'assister au mariage de leurs parents, nous dit Mahesh. La réunion ne se déroule pas dans le lieu habituel de culte. Il nous faut monter à l'étage, où se trouve déjà un grand nombre de personnes de tous âges. Après nous avoir présentés au couple et à quelques membres importants de sa famille, Mahesh nous emmène à l'étage au-dessus où un petit déjeuner nous est offert à la mode du Sud, sur une grande feuille fraîche et luisante de bananier. Un serveur nous apporte d'abord un verre d'eau encapsulée. Il faut en verser quelques gouttes sur la feuille pour la nettoyer d'un revers de main. Puis les mets sont déposés avec, exceptionnellement, une cuillère, car ils savent que nous ne mangeons pas avec les doigts comme eux. La cérémonie se déroule dans une ambiance bon enfant. Il y a douze prêtres et chacun s'active à un rituel particulier qui nous semble bien mystérieux, assis sur le pourtour d'un espace central marqué de quatre piliers qui soutiennent des poutres où sont suspendus des colliers de fleurs en festons. Le mari est aux anges, son épouse semble subir la fête et garde un air fermé pratiquement tout le temps.
Une masse énorme de fleurs fraîches trône au milieu de l'espace rituel. Ce que je trouve le plus amusant, c'est la séance qui ressemble à un baptême radical à l'ancienne, comme l'immersion de Jésus dans le Jourdain. Les mariés passent dans une salle latérale avec les prêtres, suivis des témoins et de la parentèle. Ils s'asseyent par terre devant une enfilade de pots de cuivre emplis d'eau aromatisée de pétales de fleurs. Tour à tour, chacun vient verser l'eau sur la tête des mariés qui finissent complètement trempés. Heureusement qu'il fait chaud. L'épouse se frotte à chaque fois le visage d'un air plutôt désespéré, étalant les marques rituelles jaunes sur ses joues, tandis que son mari demeure toujours fort réjoui. Un petit groupe entonne des cantiques avec enthousiasme. Ensuite, bien entendu, les époux changent de vêtements. Un nouveau temps fort correspond à la pose mutuelle de colliers de fleurs par les époux, en remplacement de ceux qui ont été trempés. Le marié lave les pieds de chacun des prêtres dans une bassine. Le tas de fleurs est transféré devant l'icône de Shiva et le marié procède à un rite spécial où il envoie aux dieux (je suppose) les offrandes placées par terre devant lui en balançant au-dessus sa grande écharpe de fin tissu blanc. A la fin de la cérémonie, un groupe majoritairement féminin se met à chanter, puis à danser. Enfin, le déjeuner est servi aux invités, toujours sur feuille de bananier, avec une succession de mets variés aux saveurs inconnues. Au retour, Mahesh profite que nous sommes dans ce quartier éloigné pour visiter une cousine qui s'est cassé le pied, ce qui nous donne l'occasion de découvrir un nouvel intérieur indien et de nouveaux membres de cette grande famille.
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